
Aujourd'hui, j'ai vu une femme coincer son talon entre deux pavés et s'étaler de tout son long sur les Champs. Elle s'est relevé avec tellement de dignité que j'ai faillit la féliciter.
Le boss m'avait donné une bague pour que j'aille la faire estimer à l'occasion. Il doit penser que les femmes font du shopping tout le temps et aiment trainer dans les bijouteries. Alors que le précieux trainait dans mon tiroir depuis un bon moment, je me suis décidée à aller voir un expert.
La première estimation a été effectuée par un vieux qui ne trouvait plus sa loupe mais qui m'a dit d'aller au bureau de change en face car « ça se vend au prix de l'or ». Jugeant son expertise à l'oeil nu un peu rapide, je suis allée consulter le bijoutier d'à côté.
Le chinois était occupé dans son arrière boutique quand je suis arrivée avec une bague « retrouvée ». Il s'est agité dans tous les sens en ricanant. « Vous l'avez trouvée? Mais on ne trouve pas de bagues! ». J'ai dit que c'était à mon grand père. Il s'est agité de plus belle. « Ils disent tous ça! ». Je ne voyais pas où il voulait en venir. Encore moins quand il m'a demandé « où vous l'avez trouvée cette bague? ». Soudain, j'ai eu le désagréable sentiment qu'aurait eu le complice du voleur de la Joconde en se présentant devant un marchand d'art et demandant innocemment « vous pouvez me dire qui a peint ce portrait de femme et ce que ça vaut? ».
Le chinois a dit avec son accent saccadé « vous l'avez achetée aux Roumains dans la rue? ». Il a insisté. J'ai voulu le remettre sur le droit chemin « Enfin Monsieur, ça ne vous regarde pas, dites moi juste ce que ça vaut. Et puis pourquoi j'irai acheter des bijoux dans la rue à des Roumains? Je ne savais même pas que ça existait ces choses là! ». Le bijoutier chinois est sorti de derrière son comptoir. Il s'est mis à mimer le Roumain qui jette un anneau, le ramasse, puis le tend au touriste qui passe en disant « Monsieur vous avez perdu ça ». Et là, le touriste qui n'a rien perdu s'étonne qu'on lui rapporte un bijou qui n'est pas à lui. Le Roumain fait mine de s'étonner aussi « oh mais regardez, derrière il y a écrit 18 carats! C'est trop beau pour mes mains crasseuses, je n'en ferai rien, je vous la laisse contre une petite contribution car moi qui n'ai rien à bouffer vous comprenez bien que je ne vais pas porter de l'or ». Et le touriste, interloqué, naïf, se passe une bague en toc au doigt du même temps qu'il donne au gentil Roumain vertueux deux billets de 20€ ».
Cette leçon vaut bien un fromage sans doute.
J'ai ramené la bague au boss, lui racontant les épisodes des bijoutiers. Il a déclaré avoir trouvé cette bague abandonnée sur les pavés des Champs Elysées...
Tout ce qui brille n'est pas or.
Le chinois avait raison.